Faire connaître l'enseignement de la psychanalyse lacanienne en Belgique
Prologue de Guitrancourt
12 déc, 2010 par Jacques-Alain Miller
Nulle part au monde il n’y a de diplôme de psychanalyste. Et non pas par hasard, ou par inadvertance, mais pour des raisons qui tiennent à l’essence de ce qu’est la psychanalyse.
On ne voit pas ce que serait l’épreuve de capacité qui déciderait du psychanalyste, alors que l’exercice de la psychanalyse est d’ordre privé, réservé à la confidence que fait le patient à un analyste du plus intime de sa cogitation.
Admettons que l’analyse y réponde par une opération, qui est l’interprétation, et qui porte sur ce que l’on appelle l’inconscient. Cette opération ne pourrait-elle faire lamatière de l’épreuve?
– d’autant que l’interprétation n’est pas l’apanage de la psychanalyse, que toute critique des textes, des documents, des inscriptions, l’emploie aussi bien.Mais l’inconscient freudien n’est constitué que dans la relation de parole que j’ai dite, ne peut être homologué en dehors d’elle, et l’interprétation psychanalytique n’est pas probante en elle-même,mais par les effets, imprévisibles, qu’elle suscite chez celui qui la reçoit, et dans le cadre de cette relation même. On n’en sort pas.
Il en résulte que c’est l’analysant qui, seul, devrait être reçu pour attester la capacité de l’analyste, si son témoignage n’était faussé par l’effet de transfert, qui s’installe aisément d’emblée. Cela fait déjà voir que le seul témoignage recevable, le seul à donner quelque assurance concernant le travail qui s’est fait, serait celui d’un analysant après transfert, mais qui voudrait encore servir la cause de la psychanalyse.
Ce que je désigne là comme le témoignage de l’analysant est le nucleus de l’enseignement de la psychanalyse, pour autant que celui-ci réponde à la question de savoir ce qui peut se transmettre au public d’une expérience essentiellement privée.
Ce témoignage, Jacques Lacan l’a établi, sous le nom de la passe (1967) ; à cet enseignement, il a donné son idéal, lemathème(1) (1974). De l’une à l’autre, il y a toute une gradation: le témoignage de la passe, encore tout grevé de la particularité du sujet, est confiné à un cercle restreint, interne au groupe analytique ; l’enseignement du mathème, qui doit être démonstratif, est pour tous – et c’est là que la psychanalyse rencontre l’Université.
L’expérience se poursuit en France depuis quatorze ans ; elle s’est fait déjà connaître en Belgique par le Champ freudien; elle prendra dès janvier prochain la forme de la « Section Clinique ».
Il me faut dire clairement ce que cet enseignement est, et ce qu’il n’est pas.
Il est universitaire ; il est systématique et gradué; il est dispensé par des responsables qualifiés ; il est sanctionné par des diplômes.
(1)Du grec mathema, ce qui s’apprend.
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